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La centrale nucléaire de Fessenheim définitivement débranchée

La centrale nucléaire de Fessenheim avait été mise en service en 1977 (archives). © KEYSTONE/EPA/CHRISTOPHE KARABA
La centrale nucléaire de Fessenheim avait été mise en service en 1977 (archives). © KEYSTONE/EPA/CHRISTOPHE KARABA


Publié le 30.06.2020


Fessenheim, la doyenne des centrales nucléaires françaises, ne produira plus d'électricité. Le second réacteur a été débranché du réseau électrique national français lundi soir à 23h00.

"Il y a eu beaucoup d'émotion de la part des équipes de Fessenheim, et sur l'ensemble du parc nucléaire", a souligné une porte-parole d'EDF à l'AFP. Si l'événement est célébré comme une victoire par les militants antinucléaires, il est vécu comme un crève-coeur par les salariés et les habitants.

Peu avant 23h00, une vingtaine de salariés se sont donné rendez-vous sur le parking devant la centrale, mise en service en 1977, pour être présents au moment de son arrêt définitif. Philippe Formery regrette un "gâchis", évoque sa "rage", avec les larmes qui lui montent aux yeux. Il faisait partie de l'équipe qui a débranché le premier réacteur le 22 février.

"Avant, c'était vraiment de la colère, maintenant c'est de la tristesse", abonde Sébastien Reyne, qui travaille à la centrale depuis 1996 et fait partie de l'équipe de 60 personnes qui s'occupera du démantèlement. "J'avais besoin de venir, de vivre ces derniers moments" entre collègues.

70% de la consommation d'Alsace

La fermeture de la centrale de Fessenheim, installée en bordure du Rhin, près de l'Allemagne et de la Suisse, intervient comme un point final après des années de remous, de débats et de reports de son arrêt. Ses deux réacteurs à eau pressurisée, d'une puissance de 900 mégawatts (MW) chacun, produisaient en moyenne 11 milliards de kilowattheures (kWh) chaque année, soit 70% de la consommation d'électricité d'une région comme l'Alsace.

Plus tôt dans l'après-midi, des militants antinucléaires avaient organisé une sortie sur un bateau naviguant sur le Rhin, à la frontière entre la France et l'Allemagne. "C'est enfin la fermeture de cette centrale que l'on attendait depuis si longtemps. Pour autant, on a un peu le triomphe sobre, parce que c'est une étape. Il y a encore 56 autres réacteurs à fermer. Il faut continuer à se battre", a déclaré Charlotte Mijeon, porte-parole de l'association Sortir du Nucléaire.

Démantèlement très long

Ayant décidé de ne pas se rendre à Fessenheim même, pour "ne pas faire de la provocation", une centaine de militants antinucléaire français et allemands se sont ensuite rejoints en fin d'après-midi sur un pont surplombant le Rhin, exactement à la frontière. Ils ont jeté dans le fleuve une bouée remplie de paillettes dorées, symbole de l'énergie nucléaire jetée à l'eau.

"Nous y sommes arrivés, le deuxième réacteur de Fessenheim ferme aujourd'hui, c'est l'aboutissement de 50 ans de lutte commune entre Français et Allemands pour protéger notre cadre de vie", a déclaré au porte-voix Suzie Rousselot de Stop Fessenheim, sous les applaudissements.

Le démantèlement de la centrale s'annonce à présent très long: 15 ans sont prévus pour démonter les deux réacteurs, à commencer par l'évacuation du combustible hautement radioactif, qui s'achèvera au mieux en 2023.

Le démantèlement proprement dit, inédit en France à cette échelle, devrait débuter à l'horizon de 2025 et durer au moins jusqu'en 2040.

Trou d'air économique

Victoire pour les antinucléaire français, allemands et suisses, cette fermeture suscite au contraire la colère des salariés de la centrale et de la plupart des 2500 habitants de la commune. Seuls soixante salariés d'EDF conduiront son démantèlement vers 2024. À la fin 2017, ils étaient encore 750, ainsi que 300 prestataires.

Quant aux habitants de ce village autrefois modeste, ils ont vécu pendant des décennies grâce aux importantes retombées économiques et fiscales de cette installation. Ils craignent un grand trou d'air économique, aucun projet n'ayant été officiellement arrêté pour l'après-Fessenheim.

Fermer la centrale, alors qu'elle "est en bon état de marche et a passé tous les tests de sécurité", est "absurde et incompréhensible", regrette ainsi le maire Claude Brender.

ats, afp

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