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La pub sexiste sera rayée de la carte à Fribourg

Fribourg rejoint la liste des cantons qui ne veulent plus voir des femmes en petite tenue pour vendre des voitures. La loi sur les réclames comportera un nouvel interdit.

Un fabricant d’automobiles s’était fait remarquer cet automne avec cette affiche d’un autre temps. © Jean-Baptiste Morel
Un fabricant d’automobiles s’était fait remarquer cet automne avec cette affiche d’un autre temps. © Jean-Baptiste Morel

Magalie Goumaz

Publié le 22.12.2023

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Après un long débat, le Grand Conseil a accepté ce jeudi par 56 voix contre 42 et 4 abstentions une motion demandant d’interdire les publicités sexistes dans l’espace public. Concrètement, il n’y aura plus d’affiches au format mondial montrant des femmes en petite tenue, appuyées sur une carrosserie rutilante.

Les députés se sont montrés intarissables sur le sujet. En vrac, il a été question de harcèlement, de violence, de femmes-objets, de dysfonctionnements érectiles, de réseaux sociaux, de patriarcat, de volleyball, de corn-flakes, de saucisses ou encore de dzaquillon.

La fin du patriarcat

Qui a dit quoi? Les deux motionnaires, Alexandre Berset et Carole Baschung avaient de leur côté la gauche, une majorité du PLR et une minorité du Centre et de l’UDC. Alexandre Berset (verts et alliés, Lentigny) a commencé par défendre une proposition qui n’est pas «liberticide mais émancipatrice». Pour lui, il s’agit de faire un pas supplémentaire «vers la fin du patriarcat et de ses symptômes».

Jean-Daniel Schumacher (plr, Fribourg) a opté pour une approche plus médicale. «Oui, il faut légiférer car ces affiches génèrent de la violence. Elles présentent l’être humain comme un objet de consommation.» Et de partager son expérience de médecin: «Durant ma carrière, j’ai vu 46 000 patients, dont des hommes qui venaient me voir pour des problèmes, disons, de pipi. Ils sont sous pression à cause de cette publicité qui leur fait croire que c’est toujours possible. Ces dysfonctionnements érectiles sont aussi le fruit d’une intoxication de cette publicité», estime-t-il.

En 2016, le Musée Gutenberg avait consacré une exposition à l’affichage. Aldo Ellena-archives

Pour Lucie Ménétrey (ps, Lentigny), «le Fribourg de demain doit être libre d’un marketing d’un autre temps». Quant à Antoinette de Weck (plr, Fribourg), elle se demande si la photo d’une femme en petite tenue fait réellement vendre davantage de corn-flakes. Comotionnaire, Carole Baschung (centre, Morat) enfonce encore un peu plus le clou: «Un boucher qui veut vendre des saucisses en faisant poser à côté une femme en sous-vêtements fait d’elle un objet. C’est comme les blagues sur les blondes. On peut en rire, mais on peut aussi y mettre des limites.»

Les opposants à la motion n’ont pas la langue dans leur poche non plus. Au nom du groupe UDC, Rudolf Herren-Rutschi (Lurtigen) doute de la portée d’une interdiction cantonale. «Cette limite devrait s’appliquer aux réseaux sociaux. A notre niveau, nous offrons surtout du travail pour les juristes. Ce n’est pas très utile», lance-t-il.

Luana Menoud-Baldi (Romont) annonce que la majorité du Centre n’est pas convaincue par la nécessité de légiférer. «La société évolue et ce type de publicité aussi», déclare-t-elle, avant d’avouer qu’elle fait partie de la minorité de son groupe qui pense qu’il faut accompagner les changements qui vont dans la bonne direction.

Le dzaquillon, ça va?

La définition du sexisme a aussi donné du fil à retordre à la droite. Pour la PLR Susanne Schwander (Chiètres), le sexisme est partout et pas seulement dans la publicité. Elle songe aux tenues des sportives. «En volleyball, on voit surtout beaucoup de peau nue», fait-elle remarquer. Quant à Christine Jakob (plr, Morat) elle déclare «n’avoir jamais vu de publicité qu’elle considérerait comme sexiste et qui l’aurait dérangée». Elle se demande ainsi ce qui serait encore permis. «Elle ressemblerait à quoi, la publicité pour les sous-vêtements?» s’interroge-t-elle. Le centriste Christian Clément (Arconciel) a également les pires craintes: «Et si on ne pouvait plus montrer une femme en dzaquillon sur une affiche en faveur des produits du terroir?»

Le conseiller d’Etat Jean-François Steiert a ramené le Grand Conseil à l’article 5 de la loi sur les réclames, qui énumère déjà des interdits. Il suffit d’y ajouter une ligne, indique-t-il.

Fribourg rejoindra ainsi les cantons qui ont déjà décidé de légiférer pour interdire la publicité sexiste sur leur territoire. Dans son argumentation en faveur de la motion, le Conseil d’Etat mentionnait le rôle de Commission suisse pour la loyauté (CSL). Cet organisme peut déjà être saisi pour faire interdire une campagne publicitaire. Mais ses compétences sont limitées. Il ne peut qu’émettre un avis.

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