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« Je connais déjà ce film, j'ai lu le livre »

C’est ringard » Adapter un livre au cinéma, toujours une bonne idée ?

Si tu as deux heures devant toi, ne cède pas à la facilité : lis un livre. © Margot Knechtle
Si tu as deux heures devant toi, ne cède pas à la facilité : lis un livre. © Margot Knechtle

Margot Knechtle

Publié le 21.02.2020

Temps de lecture estimé : 3 minutes

« - J'ai lu un super livre, il faut absolument que tu le lises aussi, j'ai adoré ! Le style d'écriture, l'histoire, et surtout, le dénouement. C'est un chef-d’œuvre, cet auteur est génial.

- Ah, mais je connais, j'ai vu le film. Trop beau, l'acteur ! C'était pas mal, c'est vrai. »

 

Un jour, l'homme a inventé le livre. Cet objet qui semble insignifiant quand il reste fermé, mais au pouvoir inestimable une fois ouvert. Un illettré n'y verrait que des suites de mots qui prennent tout leur sens quand on sait les déchiffrer. À travers les mots, on sourit, on pleure, on rit, on chante. On s'imagine des décors, des visages, des voix, des odeurs. Lire un livre, c'est faire travailler tous ses sens en même temps. Et quand nos yeux se ferment, bercés par les paragraphes, on marque la page dans l’intention de reprendre l'histoire dès le lendemain.

Dans un livre, l'histoire est unique puisqu’elle fait travailler l’imagination. Le personnage principal a les cheveux blonds pour un lecteur, et châtain clair pour son voisin. Une rue déserte peut avoir des allures de western ou de rue de Lausanne un lundi soir. Une vieille voiture est tantôt sale et bancale, tantôt brillante comme une Old Timer.

Le film, quant à lui, est comme son écran : plat. L'histoire s'impose à son spectateur, on ne laisse pas de place à l'imagination. Le personnage n'est plus blond ou châtain clair, il est incarné par un Ryan Gosling ou un Owen Wilson. La bande-son, on ne la choisit pas. Le méchant a en fait une voix de gentil. Une musique angoissante gâche la surprise : on sait que la scène ne va pas bien se dérouler. Le film se déroule à Sidney ou dans un petit village français. On ne peut cependant pas s'imaginer une rue animée, en pente ou piétonne. Celle qu'on nous offre est pavée, mouillée et grise. Le film, on le regarde en deux heures, on l'oublie en deux mois. On le regarde à moitié avec les stories Instagram, un jogging à la propreté douteuse et les cheveux gras.

Un livre transposé sur le grand écran, c'est le produit final d'un réalisateur en panne d'inspiration. C'est un public cible : les flemmards. Ceux qui ne prennent pas le temps de lire une œuvre, mais préfèrent avaler en une heure trente l'histoire qu'un auteur a mis plusieurs années à écrire. On frise le manque de respect.

Chaque histoire se doit d'être unique. Si elle appartient à un lecteur, qu'on la lui laisse et qu'on ne la mette pas sur une affiche qui se décolle du mur d'un vieux cinéma. Si on paie un ticket de cinéma, aussi bien mettre le prix pour un film dont on ne connaît pas la fin. À moins qu'on ne préfère se bécoter pour un premier rencard. Là, il y a prescription.

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