La Liberté

La Liberté écrit aux aînés

La pandémie de coronavirus les prive de contacts avec l’extérieur, par mesure de sécurité. Désignés comme personnes à risque, nos aînés sont en plus menacés d’isolement. La Liberté ne les abandonne pas, toutefois.

La Liberté écrit aux aînés © Vincent Murith-archives
La Liberté écrit aux aînés © Vincent Murith-archives

Serge Gumy

Publié le 25.03.2020

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Par solidarité, nous avons décidé de leur ouvrir au quotidien une fenêtre sur la vie, au travers d’une simple lettre, adressée à une personne en particulier, ou aux personnes âgées dans leur ensemble.
Ecrivain, femme de théâtre, sportif, élue ou journaliste: chaque jour, une plume différente trempera dans les souvenirs et les émotions. Ses mots résonneront par ailleurs de vive voix, et plutôt deux fois qu’une. D’abord, chaque matin, ils seront lus dans les institutions fribourgeoises pour personnes âgées, grâce au précieux concours de leur association faîtière, l’Afipa, des directions et des équipes d’animation des homes. Ensuite, ces lettres contribueront à alimenter la nouvelle émission radio de Manuella Maury sur RTS – La Première, Porte-plume, à écouter à 11 heures, du lundi au vendredi.

Cette opération de solidarité est lancée de concert avec d’autres quotidiens régionaux de Suisse romande: Le Quotidien Jurassien dans le Jura, Arcinfo à Neuchâtel, Le Journal du Jura (Berne francophone) et Le Nouvelliste, en Valais. La Côte, basée à Nyon, et le magazine Générations se sont également joints au mouvement.

Mais la solidarité ne se confine évidemment pas aux seules rédactions. C’est pourquoi nous vous lançons un appel, à vous, chers lecteurs: écrivez vous aussi votre lettre à nos aînés et faites-nous la parvenir par courriel à l’adresse suivante : redaction@laliberte.ch. Nous publierons les plus belles dans nos prochaines éditions.


Lettre à nos aînés

Comme je comprends votre frustration

Chers aînés, les quelques miens et tous les autres, je vous écris cette lettre pour vous dire que je ne vous oublie pas. Et que je comprends votre frustration silencieuse. Confinés dans votre appartement ou à l’intérieur du home, c’est à distance que vous observez ces jours le printemps éclater, c’est à la fenêtre que vous écoutez souffler la bise ou chanter les oiseaux. Les cris des enfants du voisinage, eux, ont été mis en sourdine. «Restez à la maison!» nous ordonnent les autorités. A dépeupler ainsi l’écran de votre vitre, elles vous confient aux bons soins de la télévision. Qui ne manque pas de mouvements, juste un peu de vie.

Je comprends votre tristesse résignée, chers aînés, je me trouve dans la même situation. Confiné à domicile par une toux sèche suspecte, je me vois relégué à distance des miens. Sevré de leurs étreintes et de leurs bisous, je tente de rester raisonnable et de suivre les prescriptions de santé publique à la lettre. J’ai beau me faire bonne pâte dans ce pétrin tout relatif, mes jours sont mornes comme un jour sans pain. Ce pain dont les miens sont la tendre mie et dont vous êtes la levure.
N’est-ce pas grâce à vous, en effet, que chacun de nous a pris son ampleur? Vous êtes parents, grands-parents, et nous portons tous votre empreinte, génétique et digitale. Nous avons été faits à votre main. Je ne l’oublie pas, je pense à vous. A toi en priorité bien sûr, ma maman, qui prends ton mal en patience sagement en effectuant tous les matins le sudoku et les mots croisés de La Liberté, gymnastique cérébrale avant celle du corps. Tu as de la chance que ton balcon ouvre grand ton horizon sur les couchers de soleil incandescents de ce printemps précoce, feux d’artifice tirés avec quelques mois d’avance sur les festivités du 1er Août. De ton observatoire privilégié, je le sens, tu nous envoies tes bises. Attention, toutefois, tu es contagieuse. D’amour et de bonté.

Nous devions nous retrouver en famille dimanche, et tu te réjouissais de revoir tes petits-enfants. Le Covid-19 s’est hélas invité à la fête. Chers aînés, de tels sacrifices, vous devez tous en consentir, mais votre obéissance aux règles n’épargne pas la souffrance. Rassurez-vous, nous ne vous oublions pas. Et nous nous réjouissons de tous vous retrouver à la sortie de ce tunnel dont nous ne mesurons pas la longueur. Puisse cette modeste lettre illuminer votre chemin. Et brûler jusqu’à celle de demain matin.

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11