La Liberté

La précarité des «sans-grade»

Sans tournoi, la vie des joueuses et joueurs classés au-delà de la 250e place mondiale n’est pas facile

Les temps sont durs pour les joueuses et les joueurs de l’ombre du circuit professionnel. © Keystone-archives
Les temps sont durs pour les joueuses et les joueurs de l’ombre du circuit professionnel. © Keystone-archives
Publié le 30.03.2020

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Tennis » Déjà condamnés à la précarité la majeure partie de l’année, de nombreux joueurs de tennis au classement modeste craignent de ne plus pouvoir joindre les deux bouts avec l’arrêt des tournois en raison de la pandémie de coronavirus. Un risque qu’entend dénoncer Sofia Shapatava, 375e joueuse mondiale, qui plaide la cause des «sans-grade» de son sport auprès de la Fédération internationale de tennis (ITF).

La Géorgienne réclame une aide pour les centaines de joueurs qui ont perdu leur gagne-pain avec l’interruption des circuits masculin et féminin pour trois mois. «Les joueurs classés au-delà de la 250e place ne seront plus capables de s’acheter de la nourriture d’ici deux ou trois semaines», prévient Shapatava auprès de l’AFP. La joueuse de 31 ans se montre pessimiste quant à sa requête. «Honnêtement, je ne pense pas» que l’ITF y répondra favorablement, a-t-elle dit.

Ecouter les joueurs

«Ils m’ont répondu qu’ils étaient très occupés et qu’ils me recontacteraient dès que possible. Mais, après cet e-mail, ils ne m’ont plus répondu», regrette-t-elle. Elle a lancé la semaine dernière une pétition appelant à un soutien financier de l’ITF, qui a réuni à ce jour près de 1000 signatures. «J’ai lancé cette pétition pour aider les joueurs de tennis à être écoutés par l’ITF, après avoir parlé à beaucoup de personnes que je connais de leurs plans pour les trois prochains mois et réalisé que certains ne pourraient même pas s’acheter à manger», a écrit la Géorgienne sur son blog.

«Mon problème, c’est que mon sport va mourir. Tel qu’il est, il va mourir parce que les joueurs classés au-delà du 150e rang mondial ne pourront pas jouer», a-t-elle continué. Shapatava, professionnelle depuis 16 ans, participe principalement à des tournois secondaires de l’ITF, un univers bien lointain des grands chelems et des multimillionnaires Serena Williams et Roger Federer. Elle a remporté 354 000 dollars dans sa carrière en près de 1500 rencontres disputées, simple et double combinés.

Maigres gains en 2020

Depuis janvier, elle a joué à Andrézieux-Bouthéon, dans la Loire, ainsi que quatre tournois aux Etats-Unis: Midland (Michigan), Nicholasville (Kentucky), Rancho Santa Fe (Californie) et Las Vegas (Nevada). Pour, au total, seulement 3300 dollars glanés. Pourtant, par rapport à beaucoup d’autres, Shapatava est bien nantie. Les classements, ATP pour les hommes et WTA pour les femmes, comptent chacun plus de 1000 joueurs.

Parmi les nombreuses joueuses, figure par exemple la Russe Ksenia Kolesnikova, classée 1292e avec seulement 3 points à la WTA, qui n’a remporté que 105 dollars en 2020. Derrière le lucratif top 100, beaucoup de joueurs complètent leurs maigres revenus en entraînant ou en jouant dans des championnats de clubs en Europe. Mais ces sources de revenus fiables se sont taries après que les gouvernements de la plupart des pays du monde ont interdit les rassemblements pour lutter contre la pandémie de coronavirus.

La saison sur terre battue dans sa totalité a été anéantie dans la foulée du report du tournoi de Roland-Garros, qui se tient traditionnellement entre mai et juin, en septembre-octobre. Il pourrait en être de même pour Wimbledon, dont les organisateurs réfléchissent à une annulation pure et simple. La Britannique Tara Moore, No 447 mondial, n’a gagné que 2800 dollars depuis le début de l’année, mais a engrangé 473 750 dollars depuis le début de sa carrière, grâce notamment à des invitations à Wimbledon. En 2016, sa qualification pour le second tour du tournoi londonien lui avait rapporté 62 000 dollars.

«Il y a des choses plus importantes, comme la vie et la mort, mais beaucoup de joueurs de plus petits pays (sont) privés du moindre revenu, privés de la moindre aide car ils sont considérés «autoentrepreneurs», a écrit Tara Moore en soutien à la pétition lancée par Shapatava. «Ce sera dur pour beaucoup de joueurs de survivre lors des prochains mois», a-t-elle craint. ats

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11